- Producteurs de grains du Québec
- Prix des intrants
- Analyse du prix des engrais
Analyse du prix des engrais
Analyse des engrais - Novembre 2025
Sur le marché américain, les prix des engrais azotés ont évolué de baissiers à stables au cours des derniers mois, à haussiers pour les engrais phosphatés et à légèrement haussiers pour les engrais potassiques. La dévaluation de la devise canadienne a eu pour effet de soutenir les prix des engrais au Canada. Par conséquent, ceux-ci se sont pour la plupart appréciés et sont vraiment plus élevés que l’année dernière. La tendance des prix des fertilisants est incertaine étant donné les pourparlers des États-Unis avec la Russie pour mettre fin à la guerre en Ukraine qui risque d’avoir un effet baissier double sur le prix des engrais en diminuant le prix de l’énergie, un intrant fondamental dans la production d’engrais, et en permettant davantage de marché aux engrais russes. Sans compter l’évolution de la devise canadienne ayant un impact énorme sur l’achat d’intrants agricoles au Canada. Il semble alors prudent de commencer à s’approvisionner en engrais phosphatés et potassiques, ainsi que d’attendre pour les achats d’engrais azotés.
Statistique Canada a publié le 3 septembre dernier les stocks d’engrais au Canada du dernier trimestre de l’année récolte 2024-2025, c’est-à-dire d’avril à juin 2025. Par rapport à l’an passé, les stocks se sont accrus de 6 % pour l’ammoniac, de 11 % pour la solution azotée d’urée et de nitrate d’ammonium 28 (UAN 28), de 37 % pour le phosphate monoammonique (MAP) et de 5 % pour l’urée, tandis qu’ils se sont amenuisés de 17 % pour le phosphate diammonique (DAP) et de 21 % pour le chlorure de potassium (MOP). Les stocks sont généralement plus élevés en mars, en raison du début des semis, et plus faibles en juin, ou autrement dit à la fin des semis, sauf ceux de l’UAN qui sont un an sur deux à leur plus faible niveau en septembre ou en juin.
Au Canada, K+S Potash Canada planifie investir 3 G$ US au cours des deux prochaines décennies afin de doubler la production annuelle de sa mine de potasse, située à Bethune en Saskatchewan, à 4 millions de tonnes (Mt). Le 9 septembre, la compagnie a annoncé le démarrage de la phase 1 de son plan permettant d’accroitre d’environ 35 % sa production annuelle afin de l’établir à 2,2 Mt.
L’USDA va enquêter sur les fournisseurs d’intrants agricoles comme les semences et les fertilisants afin d’identifier de potentielles violations aux lois antimonopoles. Les États-Unis ont grandement recours aux importations pour s’approvisionner en fertilisants alors que la production nationale est très concentrée : 75 % de sa production est réalisée par quatre compagnies. Cette décision survient alors que les prix des produits agricoles sont en baisse alors que ceux des intrants, eux, sont en hausse, en bonne partie due aux tarifs de Donald Trump. Selon l’Association américaine des producteurs de maïs, le coût de production a diminué de seulement 3 % de 2022 à 2025 alors que le prix du maïs a chuté de moitié. Le groupe estime que le producteur moyen assumerait une perte de 0,85 $ US/bu (soit environ 47 $ CA/t) en 2025, et que les perspectives pourraient se détériorer davantage en 2026.
Le 14 novembre, le président Trump a retiré ses tarifs réciproques sur plusieurs produits agricoles et engrais. Selon l’annexe du décret présidentiel, la liste des fertilisants exclus de tarifs comprend le DAP, le MAP, « les fertilisants d’azote et de phosphate » ainsi que les fertilisants de superphosphate contenant 35 % et plus de pentoxyde de phosphore (P2O5); les fertilisants à base de potassium comme le MOP n’ont pas été visés par les tarifs réciproques tandis que ceux sur les importations d’engrais potassiques du Canada sont pour la « mauvaise gestion du fentanyl ». Cependant, tous les autres tarifs sont toujours en vigueur comme les droits compensateurs sur les engrais de phosphate en provenance de la Russie ou du Maroc. Le Fertilizer Institute a déclaré, le 18 novembre dernier, que les tarifs sur l’ammoniac anhydre de Trinité-et-Tobago ont été annulés. Par ailleurs, la Cour suprême des États-Unis est sceptique quant à la légalité des pouvoirs du président américain lui permettant d’imposer des tarifs sans l’aval du Congrès. La Cour d’appel pour le circuit fédéral a maintenu la décision du Tribunal de commerce international selon laquelle le président a illégalement imposé des tarifs. La Cour suprême pourrait rendre une décision aussi rapidement qu’à la fin de l’année 2025, mais les tarifs demeureront toujours en vigueur d’ici là.
Le gouvernement des États-Unis a ajouté le MOP, le phosphate, le cuivre, l’argent et l’uranium à sa liste de minéraux critiques. Cette liste permet au gouvernement de protéger le marché de ces commodités par des tarifs et des restrictions de commerce, d’émettre des incitatifs financiers ainsi que de simplifier les projets d’exploration, d’extraction et de transformation. L’objectif est de protéger les États-Unis contre les ruptures de chaine d’approvisionnement d’éléments jugés cruciaux pour l’économie américaine, le tout dans un contexte où la Chine a menacé à plusieurs reprises de suspendre ses exportations terres rares vers les États-Unis.
L’évolution des importations et des exportations d’engrais aux États-Unis permet d’évaluer le marché américain. En général, les importations d’engrais se sont accrues et les exportations ont diminué alors que les producteurs américains semblent éprouver de la difficulté à couvrir leur coût de production. De juillet à août, les importations des États-Unis pour les engrais ont augmenté de 47 % pour l’ammoniac (dont 45 % proviennent du Canada), de 20 % pour l’urée (dont 74 % proviennent de la Russie), de 41 % pour l’UAN (dont 53 % proviennent de la Russie), de 55 % pour le MAP et autres fertilisants phosphatés (dont 92 % proviennent du Mexique) et de 19 % pour le MOP (dont 88 % proviennent du Canada), tandis qu’elles ont diminué de 98 % pour le DAP. Toujours pour la même période, les exportations ont été réduites de 62 % pour l’urée (dont 92 % ont été destinées vers le Canada), de 15 % pour l’UAN, de 30 % pour le MAP et autres fertilisants phosphatés (dont 98 % ont été destinées vers le Canada), tandis qu’ils ont augmenté de 41 % pour l’ammoniac, de 18 % pour le DAP et de 93 % pour le MOP.
Les rapports annuels des grandes compagnies d’engrais pour le troisième trimestre ont montré une croissance impressionnante de leurs profits. Par rapport au troisième trimestre de l’année dernière, le bénéfice net a augmenté de 12 % à 3,65 G$ US pour Yara, de 1 776 % à 469 M$ US pour Nutrien, de 28 % à 353 M US pour CF et de 237 % à 411 M$ US pour Mosaic. Yara explique ses performances par les prix élevés des fertilisants, une réduction du coût de production et une efficience opérationnelle à travers ses opérations à l’international. Nutrien a précisé que ces bons résultats sont le fruit de volumes de ventes records soutenus, d’une amélioration de la stabilité et d’un plus grand bénéfice sur les ventes au détail. CF a justifié ses performances grâce aux prix des fertilisants plus élevés que ceux de l’an passé en raison d’une demande très forte pour les fertilisants azotés, des ruptures de chaine d’approvisionnement engendrées par des conflits géopolitiques et d’un prix plus élevé pour les énergies entrainant un rajustement de prix à l’international. De plus, CF a mentionné avoir reçu des primes de prix intéressantes pour l’ammoniac à faible intensité carbone et que ses projets d’azote à faible intensité carbone et de décarbonisation avaient d’énormes retours sur investissement. Mosaic a expliqué que ses bons résultats sont dus à ses activités au Brésil et à sa capacité à livrer de solides performances dans le marché de la potasse alors que la forte demande a soutenu les prix, malgré certaines difficultés opérationnelles et de marché.
Quelques projets verts dans le secteur des fertilisants ont été abandonnés, alors que ce secteur continuait de progresser dans le développement de ceux-ci au cours de la difficile période de forte inflation. L’Union européenne a voté pour l’annulation de l’établissement obligatoire de critères ESG, c’est-à-dire des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Par conséquent, 92 % des compagnies assujetties à la publication de rapports sur les risques sociaux et environnementaux ne le sont plus. Cette décision a été prise à la suite de pression exercée par l’administration Trump. Les parlementaires européens l’ont justifié par la nécessité de se concentrer à la compétitivité économique. De plus, Yara International, ASA et BASF ont annoncé le 26 août dernier qu’ils mettaient fin à leur projet d’ammoniac à faible intensité carbone avec captation ainsi qu’à l’entreposage de carbone sur la côte du golfe du Mexique.
L’Union européenne a ouvert une enquête antidumping sur ses importations d’urée en provenance de la Russie étant donné son prix inférieur par rapport à celui des producteurs du bloc. Le groupe de lobby Fertilizers Europe allègue que les exportateurs russes bénéficient d’un prix du gaz naturel artificiellement réduit et fixé par l’État. L’enquête portera sur les importations de l’Union européenne entre juillet 2024 et juin 2025.
L’Inde semble regarnir ses réserves stratégiques en engrais. De janvier à septembre et par rapport à l’an passé, les importations indiennes se sont accrues de 13 % pour l’ammoniac (1,8 Mt), de 63 % pour l’urée (5,3 Mt), de 70 % pour le DAP [4,3 Mt] et de 6 % pour le MOP [2,5 Mt]. L’approvisionnement des engrais en Inde est subventionné par l’État, qui les achète par l’intermédiaire de compagnies étatiques via des appels d’offres internationales, puis les revend à ses producteurs à un prix inférieur. Lors du dernier appel d’offres, l’Inde recherchait 2,5 Mt d’urée, mais en aurait obtenu entre 1 et 1,3 Mt selon les rumeurs, ce qui pourrait justifier un autre appel d’offres d’ici la fin de l’année et soutenir les prix internationaux d’urée. Cependant, l’Inde ne serait pas à la recherche de DAP ou de MOP, ce qui pourrait entrainer une baisse des prix à l’international.
Des rumeurs ont circulé selon lesquelles la Chine voudrait limiter ses exportations d’engrais, ce qui a été démenti par les commerçants internationaux et les données sur les exportations. De janvier à octobre et par rapport à l’année dernière, les exportations chinoises se sont fortement accrues de 1 463 % pour l’urée (4 Mt) et ont été réduites de 23 % pour le DAP (2,87 Mt). Le niveau des exportations d’urée ressemble à celui de 2023 à 4,3 Mt et de 2022 à 2,8 Mt que celui de 2024 à 262 000 tonnes (t). La Chine a également autorisé l’exportation de 600 000 t d’urée d’ici la fin de l’année, ce qui laisse peu de temps pour trouver un acheteur et planifier la logistique, invalidant ainsi la rumeur d’une restriction des exportations d’engrais, du moins pour ceux contenant de l’azote. D’ailleurs, selon d’autres rumeurs, Pékin risque d’exporter 6 Mt d’urée en 2026, ce qui permettra d’exercer une pression à la baisse sur le prix des engrais azotés. La baisse des exportations chinoises de DAP pourrait être le résultat de la volonté de Pékin de réduire le prix des engrais phosphatés payé par leurs producteurs en augmentant la capacité de production nationale. Or, les producteurs de DAP font face à une croissance constante des coûts de production due à l’appréciation du prix du souffre et de l’acide sulfurique, un intrant essentiel à la production d’engrais phosphatés. De janvier à octobre et par rapport à l’année dernière, les importations chinoises se sont affaiblies de 23 % pour l’ammoniac (340 000 t) et de 3 % pour le MOP (10 Mt, dont 38 % proviennent de la Russie).
La Russie risque d’exporter 5 Mt d’engrais en Inde ainsi qu’en Chine. Les exportations d’engrais russes vers la Chine, l’Inde et l’Amérique latine sont en augmentation de 20 % par rapport à l’an passé. Les parts de marché russe seraient de 33 % en Inde et de 40 % pour la Chine. Cette croissance du marché russe en Chine et en Inde montre deux choses : la première, le rapprochement économique entre la Russie et la Chine et la deuxième, l’importance de la Russie dans l’approvisionnement en engrais en Inde. À la suite d’une rencontre entre les présidents russe et indien le 5 décembre, une entente entre des compagnies indiennes et le plus grand producteur de potasse et de nitrate d’ammonium en Russie est attendue pour implanter conjointement une usine d’urée en Russie, assurant ainsi une partie de l’approvisionnement d’engrais azotés en Inde.
Nutrien a annoncé le 21 octobre un arrêt contrôlé de son usine à Trinité-et-Tobago en raison d’une restriction d’accès au port par la compagnie National Energy Corp. (NEC), ainsi qu’un manque d’approvisionnement stable et économique en gaz naturel. L’usine a une capacité de production annuelle d’environ 1 Mt d’ammoniac et de 600 000 t d’urée. Le pays exporte annuellement 1 Mt d’ammoniac aux États-Unis, correspondant à 42 % du marché en 2024, en baisse comparativement à 51 % en 2022. Trinité-et-Tobago représente 28 % de toutes les exportations d’UAN aux États-Unis en 2024, une hausse par rapport à 11 % en 2022.
Le prix de l’urée a connu une bonne baisse de prix, malgré la dépréciation du huard, tandis que les prix de l’UAN sont demeurés légèrement stables et que celui de l’ammoniac anhydre s’est plutôt redressé. En dépit de l’incertitude, le prix des engrais azotés devrait demeurer sous pression d’ici le début des semis vers mars 2026.
Le prix des engrais phosphatés s’est fortement accru depuis l’été étant supérieur aux prix de l’an passé et de la moyenne quinquennale. La tendance des prix devrait demeurer au mieux stable ou au pire haussière.
Le prix du MOP est supérieur au prix de l’année dernière, mais inférieur à la moyenne quinquennale. La tendance de prix reste stable, mais cela risque de dépendre de la fluctuation de la monnaie nationale.
Tableau du prix des engrais
$ CA/t | Novembre 2024 | Octobre 2025 | Novembre 2025 | Moyenne 5 ans | Graphique |
|---|---|---|---|---|---|
| DAP | 1 137 | 1 424 | 1 436 | 1 077 | Graphique |
| MAP | 1 246 | 1 433 | 1 432 | 1 172 | Graphique |
| MOP | 683 | 749 | 758 | 848 | Graphique |
| Urée | 763 | 920 | 919 | 900 | Graphique |
| 10-34-0 | 934 | 1 026 | 1 032 | 925 | Graphique |
| Ammoniac anhydre | 1 094 | 1 295 | 1 333 | 1 332 | Graphique |
| UAN 28 | 495 | 635 | 645 | 597 | Graphique |
| UAN 32 | 560 | 717 | 721 | 680 | Graphique |
Les prix sont exprimés en dollars canadiens par tonne métrique ($ CA/t).
Les prix représentent une offre FAB chez le distributeur.
Source : DTN
L’analyse se concentre sur les États-Unis ainsi qu'à l'international et les prix sont basés sur des prix américains convertis en dollars canadiens par tonne métrique. Ces prix peuvent ne pas refléter les prix au Québec en raison de plusieurs facteurs, dont l’offre de services inclus dans les prix aux producteurs. Ces prix doivent donc être utilisés à titre de référence seulement. L’objectif de cette publication vise à mesurer les tendances haussières ou baissières, ainsi que les valeurs relatives d’une saison à l’autre.