Le gouvernement dilue ses engagements à l’endroit de l’agriculture
Lettre ouverte de Sylvain Pion, président des Producteurs de grains du Québec (PGQ)
Le secteur des grains doit composer en ce moment avec deux mauvaises nouvelles. D’une part, nous avons cette année une mauvaise saison pour les semis. D’autre part, le secteur agricole doute qu’il obtiendra à court terme les fonds promis par le premier ministre, il y a de cela déjà un an, pour faire face à une situation d’urgence. Le 3 juin 2024, le gouvernement du Québec annonçait une entente avec le monde agricole, incluant un important soutien financier et des allègements pour les agriculteurs. Le 13 juin suivant, cet engagement s’est précisé, et il comprenait notamment 106 millions de dollars pour aider les producteurs agricoles à s’adapter aux changements climatiques, dans un contexte de crise agricole.
Cette annonce, née de mois de mobilisation et de dialogue, avait été accueillie avec soulagement par le monde agricole. Pour la première fois depuis longtemps, une volonté politique tangible semblait répondre à une réalité de terrain de plus en plus critique. Mais un an plus tard, les attentes se heurtent à une mise en œuvre lente, incomplète et encore théorique. Les changements climatiques, eux, n’ont pas attendu. Ils s’accélèrent, s’intensifient et frappent déjà nos terres, nos semis, nos récoltes. Chaque saison, de nouveaux défis apparaissent ou s’aggravent — inondations, sécheresses, gels hâtifs ou tardifs, pluies diluviennes, etc. Nos pratiques doivent évoluer rapidement, mais pour cela, il faut des moyens, et en ce moment, ce sont les producteurs qui continuent d’assumer des coûts importants pour s’adapter. Ils attendent encore de voir la couleur du soutien promis, qui est important, mais qui représente une faction du soutien réellement nécessaire.
Constatant que les promesses tardent à se concrétiser et malgré plusieurs tentatives, nous n’avons pas obtenu de réponse du gouvernement au sujet de ce montant. Enfin, c’est à l’Assemblée nationale que le ministre de l’Environnement s’est exprimé sur le sujet. À propos de la somme annoncée de 106 millions de dollars spécifiquement dédiée au soutien à la lutte contre les changements climatiques dans le secteur agricole, le ministre affirme que « Les mesures qui en découlent (…) sont déjà, en grande majorité, mis en place. »
Il est important de rappeler que ces sommes — bien que bienvenues — restent beaucoup trop modestes par rapport aux efforts demandés. C’est pourquoi, au-delà du montant de 106 millions de dollars promis, nous réclamons depuis des années une politique exemplaire et concrète de soutien à l’adaptation aux changements climatiques. Pendant ce temps, nos compétiteurs américains, eux, bénéficient d’un soutien bonifié à leurs pratiques agroenvironnementales, renforçant encore l’écart entre notre agriculture et la leur.
Le secteur agricole québécois est une richesse collective. Il nourrit, il emploie, il gère des écosystèmes vastes et fragiles. Les semis vont mal cette année, de bons programmes d’adaptation aux changements climatiques sont primordiaux, tout comme de bons programmes d’assurances pour les producteurs. La situation d’urgence dans laquelle se trouvaient les agriculteurs l’année dernière est toujours d’actualité et il est temps qu’ils obtiennent de meilleures protections. Nous invitons donc le premier ministre à intervenir pour réitérer ses engagements dont nous soulignons aujourd’hui l’anniversaire. Nous sommes d’ailleurs enclins à collaborer avec le gouvernement pour identifier les meilleurs moyens afin que l’aide soit rapidement accessible pour les agriculteurs, et qu’ils en constatent rapidement les effets sur le terrain.