Le soya : victime de la nouvelle guerre froide?
Le soya : victime de la nouvelle guerre froide?
À la fin du mois d’octobre, Soy Canada a tenu son conseil d’administration (CA) à Ottawa. L’association a organisé une série de rencontres avec des députés, des sénateurs et des hauts fonctionnaires. Un des points soulevés par Soy Canada était l’importance de l’accès au marché chinois alors que les relations commerciales se dégradent entre le Canada et la Chine. En effet, Beijing a annoncé le lancement d’une enquête antidumping sur le canola canadien, une mesure de rétorsion face aux surtaxes douanières imposées par Ottawa sur les véhicules électriques chinois importés. La crainte de Soy Canada est que, comme en 2019 avec l’affaire Huawei, les importations chinoises de soya ne s’arrêtent, et ce même si la fève n’est pas officiellement visée.
Les réponses qu’on a eues lors de nos rencontres étaient à peu près les mêmes et se résument ainsi : il y a une nouvelle guerre froide entre le Canada et la Chine; les intérêts nationaux et la géopolitique l’emportent sur le commerce international; vous êtes avisés, diversifiez vos marchés.
Le CA m’avait demandé de préparer la réponse de Soy Canada. J’ai expliqué aux politiciens et fonctionnaires que la Chine représente plus de 60 % de la demande mondiale de soya, et que par conséquent, la diversification est très difficile et comporte des risques substantiels. Je leur ai donné l’exemple de 2019 : avec la dégringolade des importations chinoises de soya canadien, nos exportations vers l’Iran ont grimpé en flèche et ce pays est devenu notre premier client. Or l’Iran est un marché risqué et qui n’est pas rémunérateur. Si la Chine impose un embargo informel sur la fève canadienne, le résultat sera une baisse du prix du soya.
La réponse qu’on a eue : les producteurs n’ont qu’à diversifier leurs cultures, qu’ils sèment moins de soya et plus d’autres grains. Je leur ai expliqué que la rotation maïs-soya a été la formule gagnante dans l’est du Canada au cours des deux dernières décennies. L’avantage du soya est que c’est un grain d’exportation, qui est largement expédié après la récolte : si on en produit plus, on n’affecte pas le prix qui est basé sur le marché mondial. Par contre, le maïs est d’abord et surtout un grain local. Si le prix du soya chute et que les producteurs sèment plus de maïs, cela se traduira par un gros surplus de maïs et donc par une chute des prix.
J’ai conclu en disant que Soy Canada comprenait la géopolitique mais que ce n’était pas aux producteurs de grains du Québec et de l’Ontario de payer pour cette nouvelle guerre froide.
Les politiciens et fonctionnaires semblaient surpris par mes explications. Dans la bulle d’Ottawa, la réponse était évidente : diversifiez! Personne ne semblait avoir pensé au prix à payer…