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Analyse du prix des engrais
Analyse des engrais - Avril 2025
Les prix des engrais se sont appréciés au cours des derniers mois, en raison de l’instabilité des marchés liée aux guerres tarifaires de Donald Trump, de la fermeture de quelques usines réduisant l’offre, ainsi que la hausse de la demande en Occident lié au début des semis. À cela s’ajoute la dégringolade du huard au premier trimestre 2025. Même si la baisse de la demande à la suite de la fin des semis en Occident devrait diminuer les prix des engrais, ceux-ci risquent de demeurer stables, voire continuer de s’apprécier, en raison des incertitudes économiques créées par l’actuel président américain.
La guerre tarifaire des États-Unis avec la planète entière a entrainé des répercussions dans le domaine des engrais. La réduction des tarifs américains sur les importations canadiennes de potasse, passant de 25 % à 10 %, a tout de même entrainé les prix américains à la hausse. Il faut savoir que 85 % de la potasse utilisée aux États-Unis provient du Canada et que le Canada est le premier exportateur mondial de potasse, suivi par la Russie et la Biélorussie. Bien que ces derniers n’aient pas été visés par les sanctions américaines et que la potasse provenant de ces pays puisse être importée aux États-Unis, leur prix serait plus élevé, ne serait-ce que pour compenser les frais de transport. La principale conséquence de cette guerre tarifaire demeure l’incertitude qu’elle apporte sur les marchés en général. Cette incertitude accroit le risque qui se traduit par une hausse du prix des engrais afin de couvrir ce risque. Malheureusement, les personnes qui devront assumer cette hausse de prix seront les producteurs, qu’ils soient américains, indiens ou canadiens.
Le 15 avril dernier, Donald Trump a lancé une enquête sur les minéraux critiques afin d’évaluer l’impact de leurs importations sur la sécurité et la résilience nationales. Si le secrétaire du Commerce évalue que ces importations menacent la sécurité des États-Unis, le président américain pourrait alors imposer des « tarifs réciproques » à ses partenaires commerciaux. Ce sujet est intéressant, car The Fertilizer Institute, un groupe de lobbyiste du secteur des engrais, milite pour inclure la potasse et le phosphore parmi les minéraux critiques. Au Canada, la potasse et le phosphore sont des minéraux critiques. Donald Trump a démontré de l’intérêt à ce que les États-Unis produisent davantage de minéraux critiques et semble également lorgner les terres rares du Canada et de l’Ukraine. Il faut savoir que 70 % de tous les minéraux critiques des États-Unis proviennent des terres rares de la Chine. Or, la Chine a restreint ses exportations de ses terres rares en réponse aux tarifs imposés par les États-Unis.
À partir d’octobre 2025, les États-Unis imposeront des frais aux navires chinois visitant les ports des États-Unis. Ces frais s’élèveront à 50 $ US la tonne nette pour les navires construits en Chine et détenus par un opérateur chinois, pour s’accroitre jusqu’à 140 $ US la tonne nette en avril 2028. Pour les navires construits en Chine seulement, les frais seront déterminés selon le montant le plus élevé entre 18 $ US la tonne nette et 120 $ US par conteneur en octobre 2025, pour atteindre respectivement 33 $ US la tonne nette ou 250 $ par conteneur en avril 2028. Les États-Unis prévoient également viser les navires transportant les voitures avec un tarif particulier à ce type de navire et ceux transportant du gaz naturel liquéfié à partir de 2028 alors que les États-Unis en sont le premier exportateur mondial. L’idée est de reconstruire l’industrie navale aux États-Unis à partir des fonds amassés par ces tarifs. Il faut savoir que la Chine produit plus de la moitié des navires mondiaux, suivie par le Japon et la Corée du Sud, tandis que les États-Unis ne produisant que 0,01 % des navires mondiaux. En 2024, 83 % des navires-conteneurs, les deux tiers des navires transportant des voitures et près du tiers des pétroliers ayant voyagé aux États-Unis entrent dans cette catégorie visée. Cette stratégie risque d’entrainer des conséquences dévastatrices sur l’économie américaine, car les frais supplémentaires seront refilés aux consommateurs et aux entreprises, notamment les entreprises agricoles qui reposent énormément sur les exportations. De plus, cette stratégie pourrait prendre des décennies avant de se concrétiser, car la construction de ce type de navire aux États-Unis peut prendre jusqu’à sept ans.
Le prix du gaz naturel en Europe s’est apprécié durant le premier trimestre 2025 en raison d’un hiver rude en Europe et d’une baisse de la production en Norvège, un approvisionneur clé de l’Europe, surtout depuis qu’elle n’utilise plus de gaz naturel de la Russie. Les stocks se sont abaissés pour compenser cette baisse d’approvisionnement et les prix ont alors augmenté. Le prix du contrat à terme du gaz naturel en Europe est passé entre 40 et 50 euros pas mégawattheure (EUR/MWh) à près de 58 EUR/MWh en février. Depuis, le gaz naturel a chuté passant maintenant sous les 35 EUR/MWh en raison de la fin de l’hiver, soit très près des valeurs de mai l’an passé. L’Europe devra accroitre ses importations de gaz naturel de 35 % pour la période d’avril à septembre par rapport à l’année passée pour regarnir les stocks.
Quelques usines d’ammoniaque ont annoncé leur fermeture. Une usine en Lituanie prévoit suspendre sa production d’ammoniaque à partir du 15 mai et reprendre au troisième trimestre 2025. La raison évoquée est l’explosion des prix de gaz naturel qui se sont accrus de 50 % au début de 2025 par rapport à 2024. Les lois environnementales et les frais d’émission de carbone par rapport aux concurrents internationaux sont également évoqués. Le 31 mars dernier, une usine japonaise a annoncé son arrêt complet de sa production d’ammoniaque pour mars 2027. Yara a annoncé l’arrêt de production de fertilisants phosphatés dans une usine au Brésil et d’ammoniaque dans une usine en Angleterre. Cette nouvelle fait suite à l’arrêt de production d’ammoniaque à son usine en Belgique afin de se concentrer sur des produits finis à plus haute valeur ajoutée. L’arrêt de production d’ammoniaque en Angleterre et en Belgique pour Yara représente près d’un million de tonnes (Mt) d’ammoniaque par an. En comparaison, la production mondiale d’ammoniaque a été de 150 Mt en 2024. Les raisons évoquées sont les conditions difficiles du marché, les lois environnementales plus sévères et le besoin d’accélérer la décarbonation.
Le 25 mars dernier, les États-Unis ont déclaré vouloir soutenir les exportations de fertilisants russes dans le cadre d’un accord pour sécuriser la navigation dans la mer Noire. Les États-Unis veulent aider les exportations agricoles et de fertilisants russes à accéder aux marchés internationaux, diminuer les frais d’assurances des navires maritimes et améliorer l’accès aux ports ainsi que les systèmes de paiements pour de telles transactions. En d’autres mots, l’administration Trump désire annuler les répliques de l’Occident face à la Russie depuis son invasion de l’Ukraine. Cette volonté de Washington a été décriée au Canada, notamment par le premier ministre de la Saskatchewan. Pour l’instant, rien n’a été conclu.
En Chine, les exportations d’engrais demeurent assez limitées, ce qui continue de soutenir les prix des engrais notamment ceux de l’azote et du phosphate. Aucune exportation d’urée n’est prévue jusqu’en juin prochain. Il semblerait que la guerre commerciale avec les États-Unis exerce une pression sur la sécurité alimentaire chinoise, ne laissant que le Brésil pour l’approvisionner convenablement en soya, augmentant ainsi la pression pour accroitre la production chinoise de soya par des rendements élevés grâce à un niveau convenable de fertilisation. Le gouvernement chinois pourrait alors renouveler sa restriction de ses exportations d’urée. Or, le soya n’est pas une grande plante consommatrice d’azote comparativement au blé ou au maïs. Néanmoins, la Chine est très sensible face à sa sécurité alimentaire, ce qui pourrait expliquer qu’elle ne veuille pas prendre de risque. De janvier à mars 2025, les exportations d’urée ont chuté de 75 % par rapport à l’an passé pour atteindre 6 000 tonnes (t). La Chine a imposé des quotas d’exportations d’engrais phosphatés : entre 2,5 et 3 millions de tonnes (Mt) pour le phosphate de diammonium (DAP, en anglais) et entre 1 et 1,5 Mt pour le phosphate du monoammonium (MAP, en anglais). Or, la Chine a exporté en moyenne au cours des cinq dernières années 4,6 Mt de DAP et 2,5 Mt de MAP. De janvier à mars 2025, la Chine a exporté 45 % moins de DAP et 66 % moins de MAP par rapport à l’an dernier, pour se situer à 78 000 t et 33 000 t, respectivement.
L’Inde est un très grand consommateur d’engrais qui subventionne l’achat d’engrais et fonctionne par appel d’offres internationales. L’Inde ne serait pas pressée de faire un appel d’offres en urée jusqu’en juin prochain, en raison d’un volume suffisant jusqu’à présent. Il en est autrement pour les engrais phosphatés où l’Inde n’aurait pas été en mesure de conclure une entente d’achat d’un gros volume d’engrais phosphatés, augmentant ainsi la pression à en acheter plus rapidement et donc haussant les prix.
Les prix des engrais azotés en dollars américains se sont appréciés pendant les quatre premiers mois de l’année, mais le redressement du huard en avril a permis de garder les prix en dollars canadiens neutre pour l’urée, les abaisser pour l’ammoniac anhydre et de limiter la hausse pour le nitrate d’ammonium et d’urée (UAN, en anglais). Le prix du gaz naturel en Europe et la baisse importante du cours du baril de pétrole brut en Bourse laissent entrevoir une baisse des prix, mais l’incertitude économique mine cette perspective. De plus, la demande pour l’UAN devrait rester bonne au courant de l’été en raison d’une bonne demande pour l’application plus tard en saison, alors que les superficies de maïs aux États-Unis devraient s’accroitre par rapport à l’an passé.
Les prix en dollars américains des engrais phosphatés se sont appréciés au cours des quatre derniers mois, mais au moins, la remontée du huard en avril a permis d’abaisser les prix du MAP et du DAP. L’offre internationale était déjà restreinte en raison de l’absence des exportations chinoises. Les guerres tarifaires ont augmenté à la fois l’incertitude économique et l’enjeu de la sécurité alimentaire en Chine, ce qui risque de mener à une prolongation des quotas d’exportation des engrais phosphatés. Les prix des engrais phosphatés devraient alors continuer de s’accroitre, mais de façon moins importante à la fin des semis en Amérique du Nord.
Le prix de la potasse s’est accru dans les derniers mois, mais de manière moins importante que pour les engrais azotés et phosphatés. Il est clair que les tarifs et les menaces de tarifs ont eu des incidences sur le prix, même si les producteurs américains risquent de devoir absorber complètement les tarifs de 10 % sur la potasse canadienne. Le prix de la potasse devrait rester neutre avec la fin des semis en Amérique du Nord.
Tableau du prix des engrais
$ CA/t | Avril 2024 | Mars 2025 | Avril 2025 | Moyenne 5 ans | Graphique |
---|---|---|---|---|---|
DAP | 1 191 | 1 213 | 1 205 | 1 073 | Graphique |
MAP | 1 251 | 1 293 | 1 261 | 1 119 | Graphique |
Potasse | 774 | 729 | 719 | 825 | Graphique |
Urée | 884 | 892 | 890 | 902 | Graphique |
10-34-0 | 964 | 1 026 | 1 008 | 978 | Graphique |
Ammoniac anhydre | 1 197 | 1 216 | 1 200 | 1 312 | Graphique |
UAN 28 | 547 | 568 | 585 | 580 | Graphique |
UAN 32 | 628 | 668 | 690 | 673 | Graphique |
Les prix sont exprimés en dollars canadiens par tonne métrique ($ CA/t).
Les prix représentent une offre FAB chez le distributeur.
Source : DTN
L’analyse se concentre sur les États-Unis ainsi qu'à l'international et les prix sont basés sur des prix américains convertis en dollars canadiens par tonne métrique. Ces prix peuvent ne pas refléter les prix au Québec en raison de plusieurs facteurs, dont l’offre de services inclus dans les prix aux producteurs. Ces prix doivent donc être utilisés à titre de référence seulement. L’objectif de cette publication vise à mesurer les tendances haussières ou baissières, ainsi que les valeurs relatives d’une saison à l’autre.