Producteurs de grains du Québec : PGQ

Analyse du 4 octobre 2024

Général

Au cours des derniers mois, les prix des engrais azotés et potassiques ont continué leur lente régression, tandis que ceux des engrais phosphatés sont demeurés stables. Cela reflète bien un marché caractérisé par une faible demande due à la baisse du prix des grains et une offre abondante, sauf celle pour le phosphate qui est restée serrée. Bien que les prix des engrais aient diminué, ils ne sont pas revenus aux valeurs précédant la pandémie de COVID, contrairement aux prix des grains. En comparant les prix de septembre 2024 avec ceux de septembre 2019 en dollars américains, ces derniers demeurent plus élevés de 21 % pour l’urée et la potasse, et de 53 % pour le DAP. Un retour aux valeurs d’antan des engrais n’est pas impossible, mais demeure fort improbable selon la conjoncture : il faudrait minimalement que la Chine mette fin à ses quotas à l’exportation d’engrais, que la guerre en Ukraine avec la Russie se termine et que le commerce entre ces deux pays reprenne. Par ailleurs, la légère remontée du dollar canadien a permis de rendre les prix des fertilisants plus abordables au Québec. Étant donné que le secteur des engrais tarde toujours à s’adapter à la réalité des producteurs agricoles, il semblerait sage d’attendre au moins vers la fin de l’année avant de conclure des contrats d’approvisionnement en engrais.

 

Plusieurs grandes compagnies de fertilisants ont présenté leur deuxième rapport trimestriel en août dernier et ont toutes publié des baisses de profit, en raison de la diminution du prix des engrais. Mosaic a affiché une perte nette de 162 M$ US par rapport à un bénéfice net de 369 M$ US l’an passé. Les ventes de cette compagnie ont diminué de 22 % pour la potasse et de 8 % pour le phosphate comparativement à l’année dernière. Le volume des ventes a augmenté de 5 % pour la potasse et a diminué de 12 % pour le phosphate, pour s’établir respectivement à 2,3 millions de tonnes (Mt) et 1,7 Mt. Nutrien a rapporté un bénéfice net de 392 M$ US, en baisse de 13 % comparativement à l’année passée. Le volume des ventes pour l’année est anticipé entre 13,2 et 13,8 Mt pour la potasse et entre 10,7 et 11,1 Mt pour les engrais azotés. Nutrien estime que la demande en engrais sera forte au dernier trimestre 2024 étant donné la baisse des prix des engrais azotés et potassiques. CF Industries Holdings Inc. a présenté un bénéfice net de 420 M$ US, en baisse de 20 % par rapport à l’année passée. Les ventes pour le deuxième trimestre comparativement à l’an dernier ont diminué de 22 % pour l’ammoniaque, de 1 % pour l’urée granulaire et de 13 % pour l’UAN. Le volume des ventes a été réduit de 7 % pour l’ammoniaque, et de 3 % pour l’UAN, tandis qu’elles ont été élevées de 9 % pour l’urée granulaire, les portant respectivement à 888 132 tonnes (t), 1,59 Mt et 1,13 Mt.

 

La Chine impose encore ses quotas stricts à l’exportation d’urée, de DAP et de MAP, et rien ne semble indiquer un éventuel allégement. De janvier à août, les exportations par rapport à l’an passé accusent un retard de 85 % pour l’urée et de 19 % pour le DAP, tandis qu’elles sont en avance de 7 % pour le MAP, les situant respectivement à 245 000 t, 2,6 Mt et 1,5 Mt. Cependant, la Chine est une importatrice nette de potasse : toujours de janvier à août, les importations de potasse ont augmenté de 16 % pour s’établir à 8,2 Mt, le Canada ne représentant que 20 % des importations alors qu’elle est la première exportatrice mondiale de potasse. Les autres pays sont entre autres la Russie et la Biélorussie, dont les liens politiques et économiques se sont resserrés depuis la guerre en Ukraine.

 

La Russie devrait ouvrir un terminal dans le port de Taman, près de la Crimée, afin d’exporter de l’ammoniaque d’ici la fin octobre ou début de novembre. Ce nouveau terminal devrait être en mesure d’exporter 5 Mt d’ammoniaque par an, ce qui est phénoménal. L’objectif est de construire un pipeline vers le Port de Taman, mais d’ici là, l’approvisionnement se fera par camion ou par rail. Durant l’accord des exportations de grains de la mer Noire avec l’Ukraine, la Russie négociait fortement pour pouvoir exporter son ammoniaque par pipeline à partir d’Odessa en Ukraine. Par conséquent, la Russie a abandonné son projet à Odessa.

 

L’Inde, le deuxième plus grand importateur mondial d’engrais, éprouve de sérieuses difficultés à combler ses besoins en engrais. Ce pays a recours à des appels d’offres à l’international par le biais d’une entreprise étatique et subventionne également l’accès aux engrais pour ses producteurs. Bien que l’Inde ait augmenté son budget pour l’achat de ses fertilisants, celui-ci risque de s’avérer insuffisant en raison des prix élevés des engrais phosphatés, dus aux quotas d’exportation de la Chine. De janvier à juillet, les importations ont diminué de 20 % pour l’ammoniaque (1,2 Mt), de 24 % pour l’urée (2,5 Mt), de 50 % pour le DAP (2 Mt) et de 5 % pour la potasse (1,7 Mt). Au Brésil, le premier importateur mondial d’engrais, les retards des semis ont un impact sur la demande locale. Cela permet aux producteurs d’acheter davantage d’engrais alors que le prix de la fève de soya s’est un peu raffermi depuis cet été et qu’il y a eu des retards dans les livraisons de fertilisants. Cependant, les achats d’engrais azotés vont fortement dépendre de la progression des semis de soya, c’est-à-dire que si le retard des ensemencements de soya perdure, cela devrait réduire les superficies de maïs safrinha et donc de la demande en urée.

 

L’empreinte environnementale de l’industrie des engrais est une préoccupation réelle qui se traduit par des projets concrets et des partenariats avec de grandes entreprises, même si la période de grande inflation semble avoir diminué l’intérêt des consommateurs pour les causes environnementales, et que la baisse fulgurante des prix des grains pourrait ralentir la demande en engrais. CF Industries Holdings Inc. a annoncé en juillet dernier une collaboration avec POET LLC, le plus grand producteur de biocarburant, pour utiliser de l’ammoniaque à faible émission de carbone dans le but de réduire l’empreinte carbone de la production de maïs et d’éthanol. Une usine en Louisiane a terminé la construction d’un électrolyseur qui, avec l’achat de certificats d’énergie renouvelable, permettra la production d’ammoniaque verte afin de fournir quatre usines d’éthanol dans le Midwest. Un système de monétisation devrait être mis en place pour inciter les producteurs à utiliser l’ammoniaque verte. Yara International ASA a signé un accord avec PepsiCo pour aider l’entreprise à se décarboner par un approvisionnement de fertilisants verts. Yara devrait fournir aux agriculteurs européens travaillant avec PepsiCo 165 000 t d’ammoniaque à faible empreinte carbone. Cette entente permettra de combler 25 % des besoins de PepsiCo en Europe en fertilisants d’ici 2030. L’accord implique également des pratiques d’agriculture régénératrice.

 

Il a été porté à notre attention que certaines valeurs d’engrais à l’extérieur du Québec pouvaient être fortement inférieures aux prix payés au Québec. Il y a plusieurs éléments à prendre en compte. Le premier étant les unités de mesure. Les États-Unis écrivent leurs prix en dollars américains la tonne courte, une mesure employée seulement par les Américains, tandis que nos prix sont affichés en dollars canadiens la tonne métrique et la différence entre les deux est majeure : 1 $ US la tonne courte équivaut pratiquement à 1,50 $ CA/tonnes métriques. En comparant des prix à Cincinnati, Ohio, aux États-Unis, et ceux de l’Est-du-Canada selon une source d’information que l’on ne peut pas identifier, l’écart de prix est de près de 50 $ CA/t pour l’urée, 24 $ CA/t pour le DAP et 40 $ CA/t pour la potasse. Cela ne semble pas énorme étant donné qu’il ne comprend pas les frais de transport : environ 1 400 km séparent la ville américaine de Saint-Hyacinthe. Le deuxième élément à prendre en compte est que les valeurs inscrites dans cette analyse sont à titre de référence seulement, et permettent d’établir des tendances sur les prix. Elles sont généralement plus élevées que les prix rapportés par certains producteurs ainsi que ceux d’une autre source d’information, et la raison pour laquelle nous les utilisons est que nous pouvons les diffuser publiquement. Le troisième élément à garder en tête est que les sources d’information consultées sur Internet peuvent ne pas être fiables, sans oublier la qualité même du produit vendu.

Les prix des fertilisants azotés ont continué de diminuer, atteignant un creux depuis juin 2021 environ, mais ils demeurent comparables aux valeurs de l’an passé et à la moyenne des cinq dernières années. Il semble y avoir une relative abondance d’engrais azotés à l’international, alors que le faible prix des grains n’incite pas à redresser la demande. La tendance des prix est alors à la baisse à court terme.

Les prix des engrais phosphatés ont diminué depuis la remontée des prix pendant la période des semis en 2024 et sont maintenant comparables aux prix de février 2024, mais ils restent supérieurs aux prix de l’année dernière. L’offre semble serrée à l’international, alors que les prix des grains n’encouragent pas les producteurs à fertiliser davantage. La tendance est alors stable à court terme.

Le prix de la potasse a continué sa lente descente atteignant un creux depuis juillet 2021, mais il demeure supérieur aux valeurs d’avant 2020. L’offre semble dépasser la demande qui est en déclin en raison de la baisse des prix des grains. La tendance est donc à la baisse à court terme.

Tableau du prix des engrais

$ CA/t

Septembre 2023

Août 2024

Septembre 2024

Moyenne 5 ans

Graphique

DAP 1 059 1 120 1 097 961 Graphique
MAP  1 107 1 229 1 206 1 014 Graphique
Potasse 746 753 692 799 Graphique
Urée  826 752 730 797 Graphique
10-34-0  895 962 889 880 Graphique
Ammoniac d'anhydre 1 038 1 020 1 021 1 098 Graphique
UAN 28 527 507 491 520 Graphique
UAN 32 580 565 524 591 Graphique

Les prix sont exprimés en dollars canadiens par tonne métrique ($ CA/t).
Les prix représentent une offre FAB chez le distributeur.
Source : DTN

L’analyse se concentre sur les États-Unis ainsi qu'à l'international et les prix sont basés sur des prix américains convertis en dollars canadiens par tonne métrique. Ces prix peuvent ne pas refléter les prix au Québec en raison de plusieurs facteurs, dont l’offre de services inclus dans les prix aux producteurs. Ces prix doivent donc être utilisés à titre de référence seulement. L’objectif de cette publication vise à mesurer les tendances haussières ou baissières, ainsi que les valeurs relatives d’une saison à l’autre.